mercredi 6 août 2008

marchande de sommeil

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son avant-bras velu et tatoué n'a pas quitté le zinc depuis une bonne heure. il habite à l'hôtel juste au-dessus. je passe l'éponge sur le comptoir. le four à plonge gronde. personne ne dit un mot. dix-neuf heures. ce doit être un peu trop tôt pour se parler, j'imagine. je n'ose pas lui dire de retirer son bras pour nettoyer ce foutu comptoir. je le contourne tout en me demandant si il a conscience que je suis en train de tracer un cercle autour de lui, comme si sa saleté l'auréolait et pouvait déteindre sur tout ce qu'il touche. il grogne, se recule. il a compris. son bras se décolle. il a dû laisser une bonne couche d'épiderme sur cette tôle, me dis-je. je nettoie vite, non pas parce que je le gêne, mais parce que je supporte mal les effluves de ricard qu'il diffuse à un mètre à la ronde. je repose son verre, au même endroit, à un millimètre près, en le remerciant. il grogne encore. je lui tourne le dos et vide le panier à plonge, en faisant volontairement tinter les verres, comme pour habiter un peu le silence. je réalise. j'ai oublié de mettre de la musique. c'était donc ça.

au fond du bar, la platine avait tourné toute la nuit, personne n'avait pensé à l'éteindre. le premier vinyle qui me tombe sous la main. non. pas bob dylan. le suivant de neil young - ma madeleine de proust en somme - out on the weekend. de retour derrière le zinc, tout semble redevenir normal. il prendra encore quatre ou cinq ricards, et sortira sans dire au revoir, pour prendre la première porte à gauche et monter à l'hôtel.

à trois heures du matin, je pars en laissant tourner la platine. sa lumière était toujours allumée.